Sunday, May 30, 2010

Apparemment personne ne l'avait fait, fallait bien que quelqu'un se colle à l'histoire du rap tourangeau, en tout cas une partie d'icelle, et doncques rendons à Othello ce qui revient à Esope :-)...pour ceux qui se souviennent de Cool Freddy Jay, Sekta Voodoo, 6ème Continent,Wadada's Rappers Beurs et la joyeuse époque de "Tankya Du Son" le samedi après midi de 14h à 16h sur le Neuf le Trois le Point le Six, avec notamment l'homme qui va par le nom de Taksi...enjoy the ride...


INTERVIEW FREDDY JAY début 2010
1) Présentation, qui es -tu, d'où viens-tu et où vas-tu...


Freddy Jay, anciennement Cool Freddy Jay, je viens de Tours , j’ai commencé ma carrière en tant que rapper et compositeur, aujourd’hui je suis DJ et compositeur

2) Formation musicale ?

Autodidacte, il y avait une guitare et une basse chez moi, et je me suis essayé à la batterie. J’ai été « mauvais » batteur dans un groupe. Sinon au lycée Choiseul, il y avait un piano et je m'entrainais dessus ( pendant les inter cours)

3) Comment on plonge dans le rap et le hiphop, et pas dans le reggae, le funk ou le rock?

En fait j'ai eu un coup de coeur direct pour le rap, dés le départ. J’étais plus intéressé par les parties rappées dans les morceaux funk. Ca c'était avant "HIPHOP" de Sidney ( je précise, ndm). Je suis tombé sur "The Message" de Grand Master Flash & Furious Five et "Genius Of Love" de Tom Tom Club, ça m'a mis une gifle. En plus j'avais vu un reportage sur le graffiti à la télé ( illustré par ces deux morceaux). Après j'ai acheté l'album "White Lines" de GMF, et je me suis mis au scratch, en entendant le (fameux) morceau "The Adventures of Grand Master Flash At the Wheels Of Steel". « White Lines », ça a été le premier disque acheté avec mes sous ! J'aimais bien la dynamique du rap, et dés le départ j'ai eu la certitude,/prémonition que ça allait devenir énorme. A l'époque ( on se situe maintenant vers 84-85, ndm) j'essayais de choper Radio 7 de Sidney sur PO ( "petites ondes", à l'opposé de FM ou"GO, "grandes ondes", il y avait aussi OC, ondes courtes, ndm), et je suis tombé sur une radio anglaise, Capitol Radio, avec une émission hiphop présentée par Mike Allen, l'équivalent de DJ Magic là bas, et là j'ai découvert Doug E Fresh, Roxanne Shante, le World Class Wrekking Crew, Mantronix. Tout ça après l'époque smurf ( sous entendu j'étais resté passionné après le "départ" de Sidney, ndm). J'enregistrais des k7, et j'essayais d'acheter les disques, notamment ceux provenant de 2 labels, Def Jam et Cold Chilling records ( Marley Marl & Juice Crew pour les novices, ndm). A cette époque, je pensais être le seul en France, et en avance , en tout cas sur Tours, à être mordu de hiphop, ce n'était pas aussi répandu/connu que le reggae ou le rock, ici. Pour revenir à Grand Master Flash & The Furious Five, mon idole c’était Melle Mel, et quand j’ai commencé à rapper, c’était en anglais.


4) Comment devient-on DJ et producteur?

Par le scratch de GMF, et puis je composais de toute façon dans ma tête plus ou moins, et puis je tripotais les instruments à ma disposition. L'étape suivante a été d'organiser des soirées pour me payer du matos ( boite à rythmes etc...).... et de fil en aiguille, devenir rapper/producteur moi même ( là j'extrapole, ndm)


La rencontre avec Radio Béton, ça se produit comment, et comment on aboutit aux émissions "Tankya Du Son" et puis " La Dernière Dimension "?

Moi j'ai commencé sur Radio Star à St Avertin (avec un gars plutôt dans le funk). Je suis rentré à "Tankya Du Son" vers 90. Taksi au départ avait une émission sur RFM, plutôt reggae (il passait du Pablo Master, du Mickey Mosman) et moi j'adorais ça. En plus il passait un peu de rap ( suit une anecdote sur les disquaires vinyles "grand public" de l'époque, Bouvier disques et Terre Des Hommes, au niveau de la place J Jaurés back in ze dayz, et d'un maxi des Fat Boys; notamment de sa face B, que Freddy pensait être le seul dans la ville à avoir repéré, ndm). A Tours il y avait un groupe funk, VISA D’EXPULSION, et rien en rap, à cette époque (fin des années 80, ndm). Bref Taksi et moi, on s'est rencontrés, on a discuté, il y avait un sound system dont il faisait partie, le WADADA SOUND SYSTEM, avec Papa Vanny ( Giovanni, son vrai prénom, ndm) et d’autres. Le WSS gérait l’émission « Tankya Du Son » . et je me suis bien entendu avec Giovanni. Lui avait bien capté la vibe rap . On m'a offert un espace dans l'émission "Tankya Du Son",sur Radio béton, qui était orientée reggae/ dancehall.. et moi j'avais droit à 1/4 d'heure de rap ( sur 2h d'émission, c'était de 14 à 16h,le samedi , ndm). Ensuite j'ai intégré le Wadada Sound System , idem, plutôt reggae et pas trop rap.Seulement, les "anciens"( ils avaient la trentaine, donc plus vieux que moi à l’époque) voulaient préserver leur couleur reggae/dancehall, alors que moi j’arrivais avec du rap pur et dur ( comme le « Pure & Uncut Funk » de Clinton, ndm). Donc, comme c'était l'époque où KRS 1 essayait d'intégrer du reggae au rap, sans oublier la démarche des Demon Boys , Asher D ( UK) Daddy Freddy, Poor Righteous Teachers, j'ai plus ou moins lancé une partie ragga hiphop dans mon set avec le sound system, un compromis.



LA DERNIERE DIMENSION ( the story)
Le problème c'est que 15 mns ça passe vite ( bon j'extrapole, ndm), j'étais frustré, donc j'ai voulu avoir mon émission. Comme c'était difficile d'obtenir un créneau sur Béton, j'ai utilisé la technique du cheval de Troie, j'ai enregistré un projet d'émission de rock fusion ( genre Living Colour, Red Hot Chili Peppers, Fishbone), ça a été accepté et j'ai démarré La Dernière Dimension le lundi soir (repères temporels, on est au début des 90ies ou à la fin des années 80, ndm). Attention, le rock fusion ça m’intéressait. Pour moi, ça montre que le rap se « propageait » dans d’autres styles, non seulement le jazz (avec l’acid jazz), le R’n’B ( avec des producteurs comme Teddy Riley et son « new jack swing »), et donc le rock, avec la fusion ( Freddy cite les Hollandais de Urban Dance Squad, assez populaires à l’époque, avec des morceaux comme « Demagogue », ndm), mais on retrouvait aussi de la guitare musclée, saturée dans des titres rap, comme « No More Rock’N’Roll » de Schoolly D, « Go Cut Creator » de LL Cool J, « Dope Beat » de KRS 1, et Run DMC également ( « King Of Rock » par exemple, ndm).Peu à peu il y a eu de plus en plus de rap, et c'est devenu la première émission du genre, à Tours (100% rap).

Cela dit, pour revenir à « Tankya Du Son », il y a eu l’influence du Deenastyle sur Radio Nova, des rappers débutants qui venaient faire des freestyles. Vanny et moi on a insisté pour qu’il y ait une rubrique « micro ouvert » dans l’émission ( là c’est moi qui emploie le mot, pas Freddy, ndm), et des jeunes sont venus improviser, proposer leurs textes, parmi eux Brahim et ses frères. Entre temps, je suis parti travailler près de la frontière italienne, pendant un an, et lorsque je suis revenu, Brahim et ses comparses avaient intégré Wadada Sound System ( et ils apparaissaient régulièrement dans TDS, ndm). Et c’est aussi à ce moment que j’ai décidé d’avoir mon émission, LA DERNIERE DIMENSION

Je voulais que LDD soit comparable au Deenastyle, et en parallèle j’essayais de monter un groupe. Les gens enregistraient le Deenastyle, et les cassettes circulaient, elles sont même précieuses pour certains. Le but de « La Dernière Dimension » c’était aussi de diffuser l’information sur le rap, d’être une plateforme de cette culture, parce que pour moi ça ( le rap, ndm) allait au-delà du divertissement, il y avait un côté militant aussi engagé. L’idée c’était que n’importe qui , s’il ou elle tombait sur l’émission par hasard,devait comprendre ce qu’on disait ( donc pas de jargon de spécialiste, pas d’argot, j’extrapole, ndm). LDD s’est aussi monté avec Seb ( voir la partie CFJ/ Sekta Voodoo, ndm), à qui j’ai proposé une rubrique , et qui au fil du temps s’est chargé/ a été chargé de traquer l’info, les nouveautés. Au départ, pour alimenter la partie musicale, je me procurais la version cd des disques, parce que petit budget… Une anecdote d’ailleurs, Seb avait réussi à choper à Paris le cd de « La Haine », et nous avait fait écouter au téléphone le morceau « Requiem » de La Cliqua , à l’époque le disque n’était pas encore disponible sur Tours…

COOL FREDDY JAY & SEKTA VOODOO story



En parallèle ( à l’aventure radiophonique, ndm) je voulais monter un groupe. Je cherchais un scratcheur et un clavier, et j'ai trouvé Renaud ( DJ Phantom), pour la partie scratch (après avoir tenté l’expérience avec d’autres postulants, ndm). Au final, on a obtenu la 1ère partie de Poupa Claudio au Bateau Ivre ( pour les novices, Poupa Claudio , de Montpellier je crois, en tout cas du sud de la France , a fait partie de la vague raggamuffin & dérivés sudiste du début des années 90, avec Massilia Sound System (et Tokow Blaze) de Marseille, Fabulous Trobadors (et le projett plus rap Bouducon Productions) de Toulouse, ainsi que Zebda à ses débuts, nostalgiques de Rapline, vous savez de quoi je parle, ndm). C'était en 1992 je crois, et ça s'est très bien passé pour nous. Renaud trainait avec des danseurs du Pyms, l'émission commençait à cartonner, et le rap , sur le plan national, montait, donc on a profité d'une dynamique. Seulement à Tours, c'était calme au niveau rap... (là on fait un petit retour qq années avant je pense, ndm) .En fait, j'avais démarré en solo, j'avais fait un break, loin de Tours, ( voir la partie TDS, LDD, ndm)pendant ce temps j'ai composé pas mal de trucs, et quand je suis revenu, j'ai voulu recruter un compère pour le scratch, et la scène, donc. J'ai effectué un concert ( filmé) , aux Fontaines, mais tout seul ce n'était pas au point, il me fallait un groupe ( là j'extrapole, ndm), d'où le recrutement de DJ Phantom, et d'autres. Le groupe se nommait à l'époque Cool Freddy Jay, et on a fait notamment les 1ères parties de IAM et NTM.

Que dire de la scène rap tourangelle entre 1989 et 1999? Et provinciale?

La scène rap tourangelle? Il y avait Wadada's Rappers Beurs et Brahim (qui ont bossé avec Massilia Sound System, tout de même), Non Conforme A La Norme , le groupe d’Ali, de St Pierre Des Corps, au tout début, et puis 6eme Continent, au niveau des groupes sérieux/importants. On peut citer aussi (dans le sillage de 6eme Continent) Good J Rex, qui a eu un album sorti chez Night & Day ( « BDJ », 1997, ndm). Il n'y a pas grand chose à en dire sinon, j'oublie quelques groupes de Joué comme le 37300 Gang, dans un délire West Coast/ G funk. Mais Sekta Voodoo n'était pas trop dans le trip gangsta et racailleux,. Et ils ( 37300 Gang, ndm) n’avaient pas le même background que nous. Sekta Voodoo/ Cool Freddy Jay, nous étions les premiers à faire du rap sérieusement, sur Tours. Nos influences et notre attitude, c’était plutôt Public Enemy ou KRS 1 ( « edutainment », ndm), on avait un côté militant. On voulait redonner une certaine dignité aux Noirs, faire connaître l’histoire, pour nous le rap c’était le Black CNN ( comme disait Chuck D de PE, ndm). On était un groupe de rap conscient. La génération d’après, notamment 37300 Gang, a eu comme références le côté « tenir les murs de la cité », le côté gangster... Et le rap (local, ndm) est devenu une histoire où chacun essayait de promouvoir ( « représenter », ndm) son quartier avant tout, St Pierre, la Riche , Joué-les-Tours, avec en parallèle peu de structures compétentes pour accueillir les groupes et leur permettre de se développer artistiquement( locaux pour les répétitions par exemple). Sekta Voodoo ne s'est pas situé comme relevant de tel ou tel clan, de telle ou telle cité. Pour la province, on avait le problème du snobisme parisien, il y avait un groupe comme Soul Choc (Angers) et le label Bastion, ils auraient dû éclater, avoir beaucoup plus d'écho que ce qu'ils ont eu.

On va parler de SEKTA VOODOO, mais avant ça, est-ce que tu faisais partie d'un groupe rap avant SV, ou est-ce que tu officiais dans le milieu rap/hiphop avant SV?

Sekta Voodoo, au départ c’est mon projet, que j’ai démarré à mon retour sur Tours, ça s'appelait [par conséquent] Cool Freddy Jay, vu que c'étaient mes idées, mes compos, mes textes, et j’étais seul fondateur, ensuite j'ai formé mon DJ pour que le concept soit viable sur scène, que ce soit plutôt un groupe, justement. Après , c’est devenu une entité plus large, davantage de personnes impliquées, donc on a changé le nom, c'était au moment où on a signé chez Atmosphériques ( à ce jour il n'existe pas de bio bien étoffée sur Internet de Sekta Voodoo, donc faut lire l'itw jusqu'au bout, ndm). Au départ tout le monde, cad la diaspora afro-antillaise, écoutait Tankya Du Son, donc on avait un vivier. Les gens s'intéressaient. Kool 16 (arrivé en 1995 selon sa propre bio, ndm) a accéléré les choses, au départ il est parti démarcher TDS, et Papa Vanny l'a dirigé sur La Dernière Dimension , il est venu, il a rappé (un peu à côté du beat, mais avec un style particulier), et il nous a dit qu’il faisait partie du collectif NEGKIPAKAFELAFET, et on a été bluffés, parce que j’avais reçu l’album et j’avais trouvé ça inhabituel, ça tranchait avec les textes soft plus ou moins liés au zouk ou ce à quoi on peut s'attendre. C'était cru, c'était militant, et ça nous a un peu ré-orientés. On s'est dit, du coup, qu'il fallait arrêter de s'inspirer des Etats-Unis, et faire notre truc en ajoutant le créole au concept CFJ. Kool 16, vu qu’il venait d’arriver, était plus proche de la source que nous, qui l’utilisions moins ( Freddy et son frère Jaypee, ndm), les textes ont donc intégré français et créole, et du coup, ça parlait à une partie de la jeunesse antillaise sur Tours. Mais sans vouloir à tout prix ne viser que cette communauté. Sekta Voodoo s’adressait à tout le monde. [Mais pour en revenir à l’histoire du groupe, ndm] Renaud, que j’ai rebaptisé DJ Phantom, au départ, il était claviériste, mais comme il s’intéressait aux platines, je l’ai formé. On répétait le dimanche après midi, chez lui, et comme il habitait près du Pyms ( boite de nuit assez connue à Tours, ndm), certains habitués le connaissaient. Seb alias Dr Seb, il nous a vus en première partie de MC Solaar à Montlouis…il sortait du lot, plutôt posé , dans son coin, lorsqu’ il assistait à nos répétitions, il était féru de rap français, alors que moi j’écoutais beaucoup de rap US, et de fil en aiguille, je lui ai proposé une rubrique dans LDD…Et puis Dr Seb avait une voiture, donc avec la mienne, le transport était assuré lorsqu’on effectuait des concerts aux quatre coins de l’hexagone ( c’est moi qui ajoute les 4 coins d’un polygone qui a plus de 4 côtés, élève international, kmer joke, ndm). Il y a eu un turnover important dans le groupe…Jaypee est arrivé assez tôt dans le line up. On a eu des chanteuses, Rachel, Muriel aussi, et Anastasia, puis Kool 16.

Pour approfondir le concept ( rapper en créole, se démarquer du rap américain de l'époque), on a cherché un nom, différent justement des lettres ou des chiffres, comme DITC, OGC (Original Gunno Clappaz, petit rappel, on est en 95-96, on peut citer 2Pac, KRS1, ou même Jay Z, "J" et "Z" en anglais, et puis pour les plus vieux, NWA, NTM, IAM, TSN..got it? ndm ) Alors on s'est basés sur le côté clan, au sens de meute, posse, collectif -> secte --> SEKTA et puis le côté un peu sombre, tchimboi, quimboiseur ( personne capable de lancer de mauvais sorts, ou de lutter contre les magiciens noirs bref on est dans le monde de la sorcellerie), qui nous a donné VOODOO ( références aussi à Haïti). Et certains ont cru que c'étaient des Haîtiens qui rappaient! Bref on a essayé de trouver un nom de groupe cohérent au fait que l'on rappe en créole, et que ça sonne. En plus on avait donc une nouvelle recrue, Anastasia, une rappeuse. Un mélange de EVE des débuts, et de Lady Of Rage, pour son attitude sur scène ( d'Anastasia, ndm). Son premier concert avec nous, c'était à la Fête de l'Humanité, on lui avait écrit un texte, on ne savait pas trop à quoi s'attendre sur scène, et elle nous a estomaqués, ce jour-là ( j'extrapole, ndm). Ce n'était pas un faire valoir, une potiche. Pour résumer,au niveau du line up, il y avait un scratcheur ( DJ Phantom), une bonne rappeuse (Anastasia), JayPee comme rapper et danseur ( JP est l'un des frères de Freddy Jay, ndm), ainsi que Kool 16 et Freddy Jay, donc un spectacle solide. Les séquences scratch étaient fouillées ( repérage des bonnes phrases dans les disques rap français, par Dr Seb)…



Au niveau des concerts, visuellement on avait Dr Seb et DJ Phantom derrière, et les 4 autres ( Jaypee, Anastasia, Freddy, Kool 16) devant. Il y avait un vrai show DJ, une assise, et une complémentarité entre Seb et Phantom. Dr Seb sur scène gérait les W 30 ( des appareils permettant de sampler, et avec aussi une fonction clavier), les chœurs aussi. A la base, au début de CFJ, on samplait en direct, on attrapait la phrase musicale voulue sur le vinyle, parce qu’on n’avait pas de sampler, juste les platines, les disques et une boîte à rythmes (donc pas de sample pré-sélectionné par une machine, c’était de l’artisanat à la TF 1 13h, môssieu, just joking, ndm)…ce qui donnait un côté live, spontané, différent du rap scénique « orthodoxe » ( là c’est moi qui précise, en gros la platine et le vinyle avaient véritablement le même rôle qu’un instrument classique, basse ou guitare ou piano, pas de machine intermédiaire, ndm). Ensuite on a eu les W30. J’ai choisi ce procédé, et pas de DAT, parce que ça ajoutait de la spontanéité, comme un instrument classique. C’était (entre autres fonctions pour SV, et on parle des W30, ndm) un réservoir à samples de rap français ( Dr Seb , qui écoutait pas mal de rap français , nous donnait de bonnes idées), et on en avait 2 parce qu’il fallait un certain temps pour que la machine soit opérationnelle ( une disquette à charger). Le travail de Seb ( pointu sur le rap français, donc faisait qq repérages) fourni pour les concerts, renforçait sa crédibilité dans LDD, et vice versa, et plus globalement l’entité CFJ/ SK bénéficiait du concept de LDD, et vice versa aussi.

A part vous, qui rappait en créole (si tu acceptes ce terme) ou même avant? Et comment la décision se fait (de rapper en créole)?
(le lecteur averti aura remarqué que la réponse se situe dans la question précédente , en grande partie)

Avec SV, on a été les premiers a priori, sinon il y avait Rootsneg qui mettait un peu de créole, mais ce n'était pas la même démarche, et bien sûr Negkipakafelafet (eux rappaient exclusivement en créole). Une petite précision, Kool 16 rappait en français au départ…

9) SEKTA VOODOO, groupe sur label indépendant, autoproduit, ou sur une major, est-ce que vous aviez réfléchi à cela ( par exemple refus de signer sur une major de toute façon ou ouverts à toute possibilité)?

SV a tout de suite été sur major. CFJ ( Cool Freddy Jay) a été signé parce qu'on tournait beaucoup ( 30 dates par an), on démarchait les maisons de disques. Pas d'autoproduction parce que je n'étais pas Crésus. On a d'abord été signés en édition par Marc Thonon qui démarrait sa structure, qui sera donc Atmosphériques, un "gros" label indé adossé à une major ( Tréma). Atmosphériques avait un deal avec Tréma (d'après ce que j'ai compris, Atmosphériques c'était la partie "direction artistique/ développement" et Tréma s'occupait du reste, marketing, distribution etc..., ndm). Bref on a signé en édition, puis en production.


10) Comment on gère un groupe a priori non "commercial" ( façon Alliance Ethnik, Mellowman), au niveau de la promo ( pages de pub, affiches, stickers, street team(s)), des concerts à trouver, du studio à réserver, de la mise en bacs des disques & du suivi des ventes, et d'autres démarches liées au quotidien d'un artiste? on délègue à un manager ou pas? Anecdotes?

On a imposé quelques trucs/ apporté notre touche, par exemple au niveau de certains visuels etc... le handicap, c'était qu'on était provinciaux, on n'avait pas de relai "national" ( je demande à Freddy si on a voulu leur imposer un single, un morceau fort avant tout, au détriment du reste, ndm). le morceau "fort", le single voulu par la maison de disques? On avait "L'An 2000", un morceau "radio friendly" ( suit un échange sur la capacité pour un artiste à garder son intégrité tout en comprenant les exigences du showbiz, à savoir vendre des disques, ndm). Pour la promo et les concerts, on se débrouillait par nous -mêmes , c'est Didi qui nous servait de manager et démarchait( Suit un passage sur les péripéties de Sekta Voodoo et des sorties de disques, ndm). On a fait un premier maxi (sous le nom de) Freddy Jay, puis un autre maxi, "Gravé sur CD" (1998), que les programmateurs ont trouvé "louche" (car s'écartant des canons du rap orthodoxe américain, Gangstarr , Mobb Deep etc...), ensuite on a sorti un EP avec le morceau "L'An 2000", où les maquettes sont devenues les masters. Pourquoi? Parce que les ingénieurs du son ne correspondaient pas, ils ne nous donnaient pas le son qu'il nous fallait. Au final, on a pris Mario Rodriguez ( qui a bossé avec Mobb Deep) pour mixer les morceaux "L'An 2000" et "I Only know Misery". C'est un problème de réseau et de rapports de forces au sein du show biz parisien, Marc Thonon n'avait pas le pouvoir d'imposer à sa hiérarchie de bons techniciens pour finaliser un album de rap "provincial" dans de bonnes conditions ( Freddy Jay compare ensuite la situation avec celle du groupe Afrojazz, signé grâce à la stature de Joey Starr, et qui a bénéficié de pas mal de privilèges pour l'enregistrement de son album "Afrocalypse" en 1997, ndm). En parallèle l'album est enfin finalisé, mais voit sa sortie retardée. On a fait une "ouverture de tiroir" (précisons que Freddy a insisté auprès du label pour que la situation se débloque, ndm), cad il y a eu un pressage spécifique pour la promo de l'album "Attitudes.. L'envers du Décor" aux Antilles, j'ai fait le tour des radios là bas , (tournée promotionnelle financée par le label, ndm), on a eu un très bon accueil, sur certaines stations, le disque avait la même rotation que "Première Consultation" de Doc Gynéco, les gens voulaient acheter le disque, mais comme l'album n'était pas dans les bacs car aucun deal de distribution (Sony distribue Tréma mais pas aux Antilles). C'était un coup pour rien. Finalement l'album n'est pas sorti, j'ai décidé de quitter le label (casser le contrat?ndm) et SV a splitté. Des anecdotes? Un concert aux Transmusicales avec KDD et Afrojazz, le concert de SV a bien plus sauf que les journalistes ont confondu le groupe avec KDD ( après tout, les Noirs se ressemblent tous , just joking, et en plus des provinciaux, ndm) dans leurs compte-rendus.

COMPLEMENT DE FREDDY

Tu sais, c’est difficile pour un groupe d’avoir du recul sur ce qu’il crée. Le truc c’est qu’il faut être capable de passer à la radio, être capable de faire des tubes, vu que la maison de disques, elle veut vendre des disques. La musique c’est un business, on doit vendre pour continuer( de créer artistiquement, ndm), et même si quelqu’un « blanchit » de l’argent ( Freddy fait allusion aux labels un peu gangsta fondés à partir du deal de substance illicite, n’est-ce pas Eazy E et Ruthless (rumeurs ou faits avérés…l’avenir tranchera), Harry O et Deathrow recs, et les rumeurs autour de Secteur Ä, lire l’itw de KENZY dans Radikal, et d’autres et d’autres…ndm), cette personne doit se refaire, elle ne veut pas perdre d’argent. Maintenant, être capable de faire des tubes dans le hiphop, c’est compliqué, surtout si on n’est pas connu, et si on n’a pas recours à des samples grillés ( un sample grillé, c’est un sample issu d’un tube funk, rock, pop, reggae, exemple flagrant, « Ces Soirées-là » de Yannick, de la Mafia Trece , qui nous a resservi « Cette Année-là » d’un franco-égyptien roi du disco… Claude François pour ceux qui n’ont pas deviné, ndm). NTM a fait « La Fièvre », IAM a fait « Le Mia ». Si tu veux, ce qui a permis au rap de décoller en France (et de s’installer durablement, ndm), ce sont des tubes, comme Coolio et « Fantastic Voyage », « Next Episode » de Dr Dre aussi, et d’autres trucs.. Nouvelle Donne, (label indé français, ndm) a « pondu » des tubes aussi, comme « Je pète les plombs » de Disiz La Peste ( Freddy évoque aussi Kamnouze et Django Jack, ndm). Une maison de disques doit écouler ses produits, et elle a besoin d’outils (un hit) pour ça (convaincre les media, ndm). Elle a des réseaux ( des media qu’elle juge adéquats pour « répandre sa bonne parole », et/ou susceptibles de toucher des cibles facilement converties au message promotionnel que la maison de disques veut envoyer, en clair des gens qui adoreront tel ou tel artiste parce que cet artiste correspond à leurs attentes, et que la maison de disque a anticipé cette attente, ndm), et elle doit faire correspondre ses réseaux à ce qu’elle vend ( Freddy le dit plus simplement,ndm). Donc, concernant la relation artiste/ label, la maison de disque suggère ( des démarches/plans pour promouvoir la création, ici l’album de l’artiste, ndm) et l’artiste choisit, la façon de vendre le disque. Il y a des concessions à faire, ça dépend de chacun ( Freddy ajoute aussi que si l’artiste n’est pas satisfait de la façon dont la maison de disques envisage la promotion, ou s’il pense être capable de proposer mieux, autant se débrouiller sans maison de disque, mais par soi-même, je résume of course, ndm).

On a donc dit qu’il faut des réseaux ( je reformule/retranscris ce que dit Freddy Jay à ma sauce), même en indépendant, la diffusion c’est vital ( et là j’aborde les façons de contourner une hostilité ou une indifférence des media, notamment les concerts, en comparant avec la scène punk dans les années 80-90, ndm)…là on va aborder les handicaps du rap français, déjà il y a la langue, le marché est limité ( à la francophonie a priori, ndm)…la scène electro a contourné ça avec des créations instrumentales (albums ou maxis,sans vocaux, je précise car je suis grand public , just joking, ndm). Et il y a la scène…on a (eu) des groupes de scène comme La Cliqua , NTM, IAM (un peu moins), mais en général, pour les concerts ça coince parce qu’on peut avoir un « public à risque » ( les habitants des fameux « quartiers », avant on disait « quartiers populaires », et encore avant on disait « la banlieue » ou « les sauvageons », bref le « public à risque » c’est le basané, pas tibulaire mais presque, sweat à capuche, baskets, grand ami de Nadine Morano ou des karchers de Nicolas, just joking, ndm) turbulent potentiellement, et d’autant plus que parfois le spectacle sur scène n’est pas de qualité ( ce que veut dire FJ c’est que les rappers ne travaillent pas assez leurs prestations scèniques, un des reproches récurrents de la rubrique « Terrordome » de Chuck D d’ailleurs par rapport à ses collègues outre Atlantique, et par conséquent le public va s’ennuyer, et éventuellement se distraire autrement. Freddy parle de groupes qui l’ont vraiment déçu en concert, alors qu’il adorait les disques , je n’ai pas réussi à lui extorquer de nom mais je pense que le Wu Tang Clan (selon NTM) ou plus récemment les Bone Thugs & Harmony qui auraient rappé par-dessus leurs vinyles, ne donnent pas vraiment une bonne image du rap onstage, ndm).

11) Par exemple, comment on se retrouve au festival Aucard, sur la grande scène (et à jouer en premier)?

( Freddy répond sur la place attribuée,ndm) La problématique, c’est la confusion entre le rap en tant qu’art, et l’expression d’une réalité sociale, qui peut être véhiculée par le rap. Pour Béton, (le fait que Sekta Voodoo joue au concert de clôture, ndm) c’était l’os jeté en pâture aux gens des quartiers. On ne pouvait pas ignorer le phénomène ( le mouvement rap & hiphop, ndm) mais on ne voulait pas faire de place au style musical. C'est du mépris. En fait on avait joué à la prison de Tours, et après on se retrouve à jouer devant personne (sur la grande scène, ndm) . Le rap est considéré ici comme un alibi social, et pas comme un style musical à respecter comme les autres (suit un rappel des conditions offertes aux groupes rap locaux, qui dépendent plus du statut économique et social que des capacités artistiques cad bonnes structures offertes parce qu'on vient d'un quartier défavorisé, pas forcément parce qu'on a du talent, ndm). C’est comme ce qui se passe aux Victoires de la Musique , où on met dans le même panier R’n’B, reggae et rap, qui sont pourtant des styles distincts, pour la catégorie « Musiques Urbaines ». Nous, on n'était pas vraiment intégrés dans la grande famille Béton. Je n'ai jamais été sollicité...

13) La recherche de samples, le "digging in the crates", qui amenait les idées pour composer? SV utilisait-il aussi des instruments joués (basse, claviers, batterie, guitares, cuivres, autres)? combien de millions de vinyles possèdes-tu?

Jay Pee et Dr Seb amenaient qq trucs, notamment des samples, Jaypee par exemple a amené des idées pour « Sitcom », « A Dan Cail La », « Erreurs commises », mais c'est surtout moi à 80% pour les idées, compos etc....Au niveau des instruments live, il m'est arrivé de me sampler à la guitare et aux claviers, de créer des lignes de basse. On a eu un musicien invité, Ronald Baker aussi ( un trompettiste, qui a joué sur un morceau du maxi. Il accompagnait aussi CFJ sur scène au début, ce qui surprenait les gens, ndm). Je refuse de ne dépendre que des samples (au départ c'était par manque de moyens, après parce ce que j'avais beaucoup d'idées pour composer, et c'est aussi une question d'ingéniosité, de débrouillardise). Je privilégie la création musicale, la transformation, je peux mettre du synthé aussi, par rapport à l'emploi de samples reconnaissables ou grillés( pour comprendre, écouter un morceau au hasard du second album de Public Enemy, et ensuite " I'll be missing you" de Puff Daddy, ndm). Sinon j'ai 12000 vinyles. Ce n’est pas pour spéculer ou par fétichisme du vinyle, mais parce que je suis un passionné de musique. J'aime bien sampler des sons isolés, une note par ci, un bruit par là, plutôt qu'un riff complet, ou récupérer des sons (anecdote off ? Freddy Jay évoque le morceau "Je Suis En Campagne", qui ferait frémir les tenants de la récente loi Hadopi , ndm)


14) (sachant que c'était une rubrique de l'émission LDD) Peux-tu nous parler des scènes ragga et ragga hip hop hexagonales?

En fait, les premiers à avoir sorti des trucs corrects en français, comparés à ce que la scène rap produisait au même moment ( 84-86, Destroyman & Jhonygo, Rapsonic…), ce sont Pablo Master ("En A En I En O"/ « Touche pas à mon pote » , et Mikey Mosman " La Cocaïne c'est le chemin de la mort", (et ces 45 T seraient sortis en 86,selon mes recherches internet, ndm). Ce qui m'a marqué, ce sont Raggasonic( pour les textes de "Bleu Blanc Rouge" et "Aiguisé Comme Une Lame", notamment), Rico de Sarcelles ( pas sur disque mais en concert, sound system et à Radio Nova...), Sai Sai et " Rouleurs à l'heure". Pour en revenir au local, le Wadada Sound System, c’étaient les seuls à l’époque, des pionniers, et ils étaient pointus, ils allaient chercher les disques à Paris, et dans beaucoup de villes de province, c’est difficile de dissocier la scène rap de la scène reggae ( la scène reggae/ragga est parfois la locomotive, ndm).